Un Goût de cannelle et d'espoir
Sarah McCoy
Pocket
Note : 4,5/5

Allemagne, 1944. Malgré les restrictions, les pâtisseries fument à la boulangerie Schmidt. Entre ses parents patriotes, sa soeur volontaire au Lebensborn et son prétendant haut placé dans l'armée nazie, la jeune Elsie, 16 ans, vit de cannelle et d'insouciance. Jusqu'à cette nuit de Noël, où vient toquer à sa porte un petit garçon juif, échappé des camps...
Soixante ans plus tard, au Texas, la journaliste Reba Adams passe devant la vitrine d'une pâtisserie allemande, celle d'Elsie... Et le reportage qu'elle prépare n'est rien en comparaison de la leçon de vie qu'elle s'apprête à recevoir.
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De tous les livres sur la Seconde Guerre mondiale que j'ai lus, c'est sans aucun doute l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur ! C'est un excellent roman, extrêmement bien écrit, et c'est le genre dont on se souvient.
Je dois d'abord dire que la couverture ne m'aurait jamais attirée en elle-même et le titre non plus. Quand je la vois, je pense tout de suite « livre adulte ennuyant », et pourtant je suis sûre qu'il peut plaire à plein de gens plus jeunes. Il est loin d'être ennuyant malgré son épaisseur. On suit Elsie en Allemagne à partir de 1944, et Reba au Texas en 2007, dont la route croise celle d'Elsie qui a ouvert une boulangerie allemande à El Paso. Sa particularité, c'est qu'Elsie a grandi dans une famille nazie convaincue par les idées d'Hitler. Je n'avais encore jamais lu de livre de ce point de vue, et c'est très intéressant. Ça montre que certains Allemands, même parmi les nazis, étaient des gens bien (étonnant, mais certains n'avaient pas le choix et auraient préféré faire autre chose. Si on y était forcés, on ferait peut-être comme eux).
Je trouve que c'est un aspect qui ressort beaucoup : quel que soit le côté où on se trouve dans une guerre, il y a des gentils et des méchants dans chaque camp. C'est une histoire qui relativise tout. C'est possible en grande partie grâce au recul qu'on a. La plupart des livres sur la guerre sont racontés entièrement à l'époque où ça s'est passé, comme si on le vivait, mais dans Un Goût de cannelle et d'espoir on voit directement Elsie à quatre-vingts ans et ça devient réellement du passé, un plongeon dans ses souvenirs.
J'ai particulièrement apprécié les passages au Texas (j'adore les États-Unis, alors mélanger les époques et les lieux a rendu le livre encore plus attrayant pour moi). Reba, le personnage qu'on suit là-bas, sort avec un garde-frontière (vous savez peut-être que la frontière mexicaine des États-Unis est un lieu assez violent. Vous avez déjà entendu parler des Minutemen ? Il n'y en a pas dans cette histoire, on a seulement la partie légale, mais ça suffit pour mépriser leurs méthodes). La comparaison entre la façon dont les nazis traitaient les juifs et celle dont les Américains traitent les Mexicains est très judicieuse, dommage qu'un livre ne soit pas suffisant pour faire comprendre aux racistes qui vivent là-bas qu'ils sont moins humains que ceux qu'ils jugent inférieurs (c'est incroyable, cette manie de tirer sur tout ce qui n'est pas blanc et protestant !). Ça donne envie de faire changer ça. On ne peut plus rien faire pour aider tous les juifs qui ont été assassinés pendant la guerre mais ce serait bien de faire évoluer le système d'immigration américain, c'est révoltant de voir qu'on méprise encore la vie après tout ce qui s'est passé dans l'histoire (sérieusement, ils ont lynché assez de Noirs pour laisser tout le monde tranquille un bon moment).
On peut penser que j'ai préféré la partie américaine, mais les deux époques sont décrites à merveille (apparemment l'auteure connaît bien Garmisch en Allemagne et elle vit à El Paso, ça a sûrement aidé), et le récit en entier est passionnant. On ne voit pas passer les 500 pages si on se plonge dedans. L'écriture de l'auteure y est pour beaucoup, ce livre est extrêmement bien écrit, les mots eux-mêmes seraient capable de rendre n'importe qu'elle histoire de Sarah McCoy agréable à lire. Elle a beaucoup de talent. Elle rend ses personnages très réels, avec un passé et un caractère propre à chacun qui permettent de s'attacher à tous les personnages sans exception (sauf peut-être un nazi à qui j'ai eu envie de faire avaler son fusil, on ne peut pas s'attacher à ce genre de monstre).
A la fin du livre, il y a des recettes allemandes (celles de la boulangerie d'Elsie), c'est très sympa. Je n'aime pas cuisiner (sauf pour la pâtisserie américaine et britannique, là je fais une exception), alors ces recettes ne me serviront pas, mais si c'est un de vos passe-temps ça risque de vous plaire. Franchement, après avoir lu les noms de ces pains et de ces pâtisseries tout au long du livre, ça donne envie de les goûter.
En résumé, c'est un livre à lire absolument si vous êtes intéressés par la Seconde Guerre mondiale. Il est passionnant et très bien écrit, on vit vraiment l'histoire. Et si vous êtes comme moi et que vous êtes en plus intéressés par les États-Unis, il ne faut plus hésiter, il est parfait !
